Management et mauvaises nouvelles : comprendre les enjeux
Pourquoi annoncer une mauvaise nouvelle est un défi managérial
Dans le monde professionnel actuel, savoir comment annoncer une mauvaise nouvelle est devenu une compétence managériale incontournable. La communication managériale est un art qu'il est essentiel de maîtriser lorsque l'on est amené à gérer une équipe. S'il est relativement aisé de communiquer en temps paisibles et d'annoncer de bonnes nouvelles, l'exercice peut rapidement tourner au cauchemar lorsqu'il est question de mauvaises nouvelles.
De nombreux managers considèrent l'annonce de mauvaises nouvelles comme l'aspect le plus stressant de leur fonction. Il donc important de développer des compétences spécifiques pour gérer ces situations délicates.
La pression du rôle de manager
Parfois coincé entre le marteau et l'enclume, son top management et ses collaborateurs, le manager doit défendre les intérêts de l'entreprise, mais également ceux de son équipe. Il peut éprouver un fort sentiment de malaise face à ses collaborateurs s'il se doit d'annoncer une nouvelle qu'il ne cautionne pas totalement, même s'il en comprend les raisons profondes (coupes budgétaires, licenciements économiques, etc.).
Le saviez-vous ? Les neurosciences nous apprennent que notre cerveau traite les mauvaises nouvelles différemment des bonnes. Le cortex préfrontal, zone de la réflexion rationnelle, peut être temporairement court-circuité par l'amygdale, centre des émotions, lors de l'annonce d'une mauvaise nouvelle. D'où l'importance de préparer soigneusement sa communication.
Les multiples visages des mauvaises nouvelles au travail
Communiquer fait pleinement partie de la posture de manager. Il est en effet du devoir du manager d'assumer ses responsabilités et communiquer de manière constructive avec son équipe, dans les bons comme dans les mauvais moments. Ces derniers peuvent revêtir différentes formes et divers degrés de gravité :
- coupes budgétaires
- mauvais résultats
- non-validation d'un projet
- non-renouvellement d'un contrat
- pénalités de retard plombant le budget d'un projet
- refus d'augmentation, de promotion, mutation, de congés payés, etc.
- avertissement
- licenciement
Trois niveaux d’impact à prendre en compte
Chaque type de mauvaise nouvelle nécessite une approche adaptée. Les experts en communication managériale distinguent trois niveaux d'impact :
- individuel (concernant un seul collaborateur),
- collectif (touchant l'équipe),
- organisationnel (affectant toute l'entreprise).
Les clés d’une communication efficace et humaine
Selon le contexte, la/les personnalité.s en face, l'essence même de la nouvelle et son degré d'importance, le manager devra adapter son message.
Écoute, bienveillance, bon sens et empathie sont indispensables pour faire passer même les annonces les plus difficiles.
Comment annoncer une mauvaise nouvelle : méthode complète en 8 étapes
Il n'existe pas de recette miracle pour faire une telle annonce et espérer que le(s) collaborateur(s) concerné(s) réagisse(nt) comme si de rien n'était. Selon le contexte et le degré d'importance de la nouvelle et selon si cette dernière concerne une seule personne ou toute l'équipe, le manager devra adapter son intervention.
Toutefois, on peut définir une trame commune pour préparer et annoncer une mauvaise nouvelle.
Les recherches en psychologie organisationnelle montrent qu'une mauvaise nouvelle bien communiquée peut même renforcer la confiance entre le manager et son équipe. L'authenticité et la transparence sont les clés de cette transformation positive.
Voici les 8 étapes :
- Préparer son message et son intervention avec méthode
- Choisir le bon moment et le bon endroit stratégiquement
- Être direct tout en étant diplomate : l'équilibre délicat
- Expliquer avec transparence et pédagogie
- Assumer ses responsabilités managériales
- Accueillir les réactions et émotions avec bienveillance
- Avancer et construire l'après
- Rester constructif pour rebondir
En détail :
Préparer son message et son intervention avec méthode
La première chose à faire avant d'annoncer une mauvaise nouvelle à un ou plusieurs collaborateurs est de bien en comprendre tous les tenants et aboutissants :
- Dans quel contexte la décision liée à cette nouvelle a-t-elle été prise ?
- Pourquoi ? Quelle est la cause de cette décision ? Quels étaient les enjeux ?
- Qui a décidé ? Qui a été consulté ?
- Est-ce la seule décision possible ? Quelles étaient les autres possibilités ?
Il est essentiel pour le manager de prendre le temps nécessaire pour bien appréhender la nouvelle si celle-ci ne vient pas de lui directement afin de pouvoir transmettre l'information de manière pertinente et assumée et répondre aux éventuelles questions de son/ses interlocuteur(s).
Une préparation minutieuse permet d'anticiper jusqu'à 80% des questions et objections. Cette anticipation réduit considérablement le stress du manager lors de l'annonce.
Par ailleurs, il est important également pour le manager de structurer sa façon d'annoncer la nouvelle préalablement à la rencontre et de se préparer aux différentes réactions possibles.
Il est opportun pour lui de réfléchir au meilleur angle d'approche, trouver les mots justes pour convoquer, entrer en matière, délivrer, expliquer et ne pas blesser le(s) collaborateur(s). Il pourra sélectionner les mots d'accueil à employer. Mots qui renseigneront dès le tout début de l'entrevue le(s) collaborateur(s) quant à la teneur de la rencontre. L'objectif étant de le(s) préparer un minimum à l'annonce.
Conseil pratique : Le manager peut faire appel à ses capacités d'empathie et d'intelligence émotionnelle. En essayant de se mettre à la place de son collaborateur - dont il connait le fonctionnement, il lui sera plus aisé de trouver les bons mots.
Choisir le bon moment et le bon endroit stratégiquement
Pour réduire l'impact d'une mauvaise nouvelle, il est également important de bien choisir l'endroit - neutre et à l'abri des curieux - ainsi que le moment auquel l'annoncer. Ici encore, selon le contexte, la teneur et le nombre de personnes concernées, le manager optera pour la solution la plus adéquate.
Les spécialistes recommandent d'éviter le vendredi soir (laissant le week-end pour ruminer sans possibilité d'action) et le lundi matin (commençant mal la semaine). Le mardi ou mercredi en milieu de journée offrent généralement les meilleures conditions pour gérer l'après-annonce.
Il est toutefois opportun de ne pas attendre. Une fois que la décision est prise, il est important de la transmettre rapidement. Plus le manager tardera à annoncer la mauvaise nouvelle, plus ce sera difficile pour lui de le faire. Par ailleurs, il ne faudrait pas que le collaborateur en ait vent par un autre biais.
Être direct tout en étant diplomate : l'équilibre délicat
De la façon dont va être annoncée la mauvaise nouvelle par le manager dépend la réaction de son/ses collaborateur(s). La communication - verbale et non verbale - prend ici toute son importance, car le moindre geste ou micro expression faciale contraire aux mots formulés peut engendrer un malentendu, une mauvaise interprétation du message. L'objectif est d'éliminer toute ambiguïté ou doute quant à la teneur du message transmis.
Le manager doit être direct, clair, précis tout en restant diplomate et concerné par son/ses interlocuteur(s). Il doit être authentique et sincère, ne pas trop en faire sous peine de passer pour un hypocrite. Une mauvaise nouvelle est difficile à digérer. Nul besoin d'en rajouter avec des mots ou un comportement qui sonnerait faux. Inutile de parler de la pluie ou du beau temps ou encore de dévier sur un sujet autre que la nouvelle.
Point d'attention : Trouver un juste milieu entre une posture froide et inexpressive/impassible en annonçant la mauvaise nouvelle et une posture trop apitoyée.
Expliquer avec transparence et pédagogie
Relayer la nouvelle en évitant de tourner autour du pot, mais plutôt en expliquant précisément et en s'en tenant aux faits le pourquoi de cette décision ainsi que le processus qui a mené à cette dernière. Fournir des éléments clairs et précis.
Il est important que le collaborateur concerné soit assuré que cette décision n'a pas été prise à la légère ou sur un coup de tête de son manager, mais bien de manière juste, en suivant un protocole défini précisément dans le règlement de l'entreprise, par exemple.
Le manager peut ainsi expliquer à son collaborateur les raisons de cette nouvelle, le processus suivi, les personnes consultées/impliquées dans cette prise de décision.
Le manager peut exprimer à son collaborateur son malaise vis-à-vis de ladite décision si cette dernière ne vient pas pleinement de lui et qu'il n'adhère pas totalement avec le processus, mais gardera ses critiques quant au protocole ou la façon de faire pour sa hiérarchie. L'objectif étant de ne pas discréditer qui que ce soit vis-à-vis des autres collaborateurs - processus mis en place, direction de l'entreprise ou collaborateur en question.
Attention : Attention à ne pas entrer dans un débat quant au bien-fondé ou la nature de la décision. Cette dernière a été enterrée et il n'est plus ici question de revenir dessus.
Assumer ses responsabilités managériales
C'est le point suivant : prendre son courage à deux mains et assumer la décision, qu'elle provienne pleinement de soi ou non. Le manager, dans la mesure du possible, préférera ainsi annoncer la mauvaise nouvelle en personne. Il évitera de la transmettre par mail ou bien de déléguer cette délicate tâche à un tiers.
De même, ne pas se cacher derrière une tierce personne, blâmer autrui pour la décision. La posture de manager induit de savoir assumer ce qui se passe au sein de son équipe et prendre les bonnes décisions, qu'elles soient synonymes de bonne ou de mauvaise nouvelle pour l'équipe.
Accueillir les réactions et émotions avec bienveillance
Une fois la mauvaise nouvelle annoncée, il y a de fortes chances pour que le.s collaborateur.s réagisse.nt d'une manière ou d'une autre, avec plus ou moins de véhémence. Il est important pour le manager de laisser son/ses interlocuteur.s entendre et réagir, dans les limites, bien sûr, du raisonnable.
Le manager devra actionner ses soft-skills, notamment :
- L'intelligence émotionnelle : accepter la réaction face à la mauvaise nouvelle. Il est tout à fait normal de réagir face à une mauvaise nouvelle à laquelle on ne s'attendait pas.
- L'empathie : se mettre à la place de son/ses interlocuteur.s permet au manager de mieux comprendre les réactions de son/ses collaborateur.s et mieux les accueillir.
- L'écoute active : écouter pleinement les réactions - langage verbal et non verbal - et répondre aux questions posées. Le.s collaborateur.s concerné.s par la mauvaise nouvelle doit/doivent être entendu.s et pris en considération. Par ailleurs, recueillir un feedback quant à sa façon de faire peut également être constructif pour le manager.
- La bienveillance : laisser du temps au.x collaborateur.s pour intégrer la nouvelle.
Avancer et construire l'après
Expliquer ce qui va découler de la décision :
- Étapes suivant l'annonce de la mauvaise nouvelle - notamment dans le cadre d'un licenciement ou d'une restructuration...
- Mise en place des nouvelles directives ou alternatives annoncées : changement de logiciels, modification des procédures...
- Options à disposition du/des collaborateur(s) concerné(s) - notamment lors d'un rachat, d'une restructuration, d'une dé/relocalisation...
- Changements au sein de l'équipe : fonctionnement, répartition des tâches, restructuration, recrutement d'un nouveau collaborateur, recherche de nouveaux fournisseurs, recherche de solutions alternatives moins coûteuses...
Rester constructif pour rebondir
Quelle que soit la nouvelle annoncée, l'équipe va devoir continuer d'avancer. Il est ainsi essentiel pour le manager de construire d'ores et déjà l'après et présenter les actions/changements post-mauvaise nouvelle.
En effet, qu'un seul collaborateur soit concerné ou bien toute une équipe, il est important de garder le cap défini et maintenir le moral et l'efficacité des troupes et la cohésion au meilleur.
L'essentiel à retenir : annoncer une mauvaise nouvelle est un acte managérial qui teste les compétences relationnelles et émotionnelles du manager. Une préparation minutieuse, une communication claire et empathique, ainsi qu'un accompagnement dans l'après sont les clés pour transformer cette épreuve en opportunité de renforcer les liens avec son équipe.

Auteur - Laurent GRANGER
Fondateur de Manager-go.com, Laurent partage depuis 2008 des outils et méthodes concrètes pour aider les cadres à mieux piloter leur activité. Diplômé d'une école de commerce et titulaire d’un DESS en diagnostic d’entreprise (IAE Lyon 3), il met à profit plus de 30 ans d’expérience plurifonctionnelle en entreprise, du développement commercial et marketing au pilotage organisationnel.
Auteur de plus de 800 contenus pratiques, lus chaque année par des centaines de milliers de professionnels, il s’attache à transmettre des approches applicables, alliant expérience terrain, pédagogie et sens pratique.
Ce dossier est référencé dans : Communication managériale - savoir transmettre un message - Comment conduire son équipe pendant une crise ? -
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