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Eviter l'effet de groupe en réunion

Lorsqu'on mène une réflexion collective, il n'est pas rare que l'influence du nombre biaise les décisions prises. Il s'agit de l'effet de groupe ou effet de Janis. Chacun des participants partant du principe que personne n'ayant objecté la solution proposée, tous l'approuvent tacitement. Ce qui aboutit parfois à des décisions semblant faire consensus alors qu'il n'en est rien. Comment éviter ce phénomène ?

Rédigé par Laurent GRANGER - Mis à jour le 04/09/2025

Eviter l'effet de groupe en réunion

Qu'est-ce que l'effet de groupe ?

La psychologie sociale a largement étudié le sujet et déterminé que la pensée de groupe influence bel et bien nos décisions, avis, jugements, etc. Ce phénomène psychologique inconscient touche particulièrement les petits groupes en situation d'interdépendance, où l'individualité se dissout progressivement au profit de l'uniformité.

Irving Janis, chercheur américain en psychologie, définit dans les années 70 le concept de pensée de groupe (groupthink ou effet Janis). Il met en évidence le processus qui amène les membres d'un groupe à réfléchir dans l'objectif d'un consensus global plutôt que de manière factuelle et réaliste.

Le besoin de trouver un accord, un consentement collectif et ainsi appartenir au groupe surpasse alors celui de formuler une critique, proposer une solution disruptive, mettre les pieds dans le plat ou bien encore se faire remarquer par ses divergences d'opinions.

Cette dynamique de groupe social s'observe particulièrement en réunion d'équipe, où les phénomènes de groupe prennent le pas sur les réflexions individuelles. La sociologie moderne identifie ce mécanisme comme un moyen inconscient de réduire la dissonance cognitive : face à autrui, l'individu préfère se conformer à l'opinion majoritaire plutôt que d'assumer le conflit potentiel.

Une décision ainsi prise peut parfois n'être finalement qu'un pseudo consensus. En effet, elle a été consentie par le groupe en tant qu'entité. Si chacun avait dû prendre une décision de manière individuelle, ça n'aurait très certainement pas été celle-ci.

Les 10 causes principales de l'influence de groupe

Comprendre les mécanismes qui peuvent influencer notre perception et nos décisions est essentiel pour tout manager. Voici les causes profondes qui transforment des individualités pensantes en masse uniforme :

  1. La normalisation : quand l'habitude devient règle

    Situations, traditions, habitudes non régies par des normes claires, mais que chacun a adoptées plus ou moins par mimétisme.

    Exemple : venir en réunion avec son smartphone, car les autres participants le font, arriver à la réunion avec 2 minutes de retard (pour ne pas faire celui/celle qui n'a rien d'autre à faire), s'asseoir toujours à la même place en évitant soigneusement de prendre la place occupée par un supérieur hiérarchique la fois précédente, etc.

    Ce peut également être le sentiment que l'on décide mieux à plusieurs, la réflexion étant étayée de multiples points de vue. L'individu se soumet alors à la majorité, partant du postulat que celle-ci a forcément raison.

  2. Le conformisme : s'aligner pour appartenir

    Normes, règles édictées par la société auxquelles l'individu se plie pour se conformer à ses semblables, ne pas s'attirer d'ennuis, appartenir au groupe ou montrer cette appartenance à ce dernier.

    Exemple : un individu va utiliser telle technique d'animation de réunion parce que c'est ce qui se pratique dans son entreprise. Même si cette dernière n'est, à ses yeux, pas la plus adaptée. Un autre va s'autocensurer et rallier la cause de ses collègues pour ne pas risquer d'être exclu du groupe.

    Les recherches en psychologie sociale démontrent que 75% des individus modifient leur opinion pour s'aligner sur celle du groupe, même lorsqu'ils sont convaincus du contraire (source : Journal of Experimental Social Psychology, 2024).

  3. La soumission à l'autorité

    Ou pression hiérarchique, syndrome du petit chef, mode de management vertical...

    Exemple : on ne contredit pas un supérieur ou un expert reconnu.

    Cette forme d'influence est particulièrement prégnante dans les cultures d'entreprise traditionnelles où la hiérarchie reste très marquée.

  4. Les stéréotypes et rôles sociaux

    Pouvoirs des rôles, responsabilités et positions hiérarchiques au sein de l'entreprise et/ou du groupe de réflexion.

  5. La peur du conflit

    Certains préfèrent se conformer aux idées/décisions/avis du groupe plutôt que de formuler leur propre opinion qui risquerait d'induire des tensions, voire un conflit.

    Cette tendance psychologique à éviter la confrontation peut réduire la dissonance apparente mais crée en réalité une tension latente qui finira par exploser.

  6. La pression de cohésion

    Pression de maintenir une excellente cohésion de groupe : face à l'injonction parfois trop pressante de maintenir une entente et une coopération en parfaite harmonie au sein des équipes, le groupe peut se laisser aller à prendre des décisions allant dans ce sens, mais pas forcément dans celui de l'efficacité ou de la résolution d'un dysfonctionnement quelconque.

  7. La pression hiérarchique

    Explicite ou implicite, elle influe et pèse sur le groupe tout entier. C'est le cas lors d'ateliers dédiés à la résolution de problèmes, par exemple. Les personnes convoquées peuvent plus ou moins consciemment ressentir l'obligation de trouver la - bonne - solution au problème donné, sans quoi elles décevraient leur hiérarchie.

    Exemple : le groupe de travail est réuni en urgence pour trouver une solution à un dysfonctionnement précis, un consensus doit impérativement et rapidement être obtenu. Les participants vont axer leur réflexion principalement dans ce sens, parfois de manière irrationnelle, plutôt que de chercher des solutions plus pertinentes qui ne feraient pas l'unanimité ou qui prendraient davantage de temps à implémenter.

  8. Le phénomène de déresponsabilisation

    Lorsque l'on prend une décision seul, on est seul entièrement responsable des conséquences. Lorsque l'on décide à plusieurs, la responsabilité revient au groupe, et non aux individus, qui n'endosse qu'une part de responsabilité.

    Exemple  : le groupe a opté pour une solution qu'il sait être source de mécontentement au sein de l'entreprise ou du service. Chacun de ses membres peut se délester de sa responsabilité en avançant la supériorité du groupe et/ou de la majorité.

  9. La rationalisation collective

    Lorsqu'un groupe se persuade, malgré les faits attestant le contraire, que la décision prise est la meilleure.

    Exemple : les opposants n'ont pas toutes les cartes en main, ils n'ont pas notre expérience, notre expertise, etc.

  10. L'excès de confiance groupale

    Un groupe ayant jusque lors pris les bonnes décisions, trouvé les solutions les plus adaptées, etc. peut se sentir pousser des ailes et s'autoriser à décider rapidement sans analyser la situation dans le détail sous prétexte que ses décisions sont toujours les meilleures.

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Comment détecter les symptômes de l'effet Janis

Lorsque l'on est chargé d'animer une réunion, il est intéressant de repérer les signes d'influence du groupe afin de recadrer les choses et faire en sorte que les décisions prises soient bel et bien les meilleures et non simplement de vagues consensus.

Les phénomènes de groupe en réunion se manifestent par des signaux faibles qu'un manager attentif peut détecter. La perception de ces indices permet d'agir avant que l'uniformité ne s'installe définitivement.

Ainsi, l'animateur ou le manager peut s'interroger dès qu'il perçoit les éléments suivants :

  • des participants peu enclins à partager leurs opinions, regards fuyants, gêne dans les débats,
  • un membre du groupe "leader" aux yeux des autres, charismatique avec une forte capacité de persuasion,
  • un groupe trop soudé, peu disposé à débattre sur des sujets délicats ou hautement sensibles, conflictuels,
  • un groupe pas assez éclectique quant aux personnalités, postes, façons de penser en présence,
  • une pression extérieure à obtenir un consensus trop forte, suite, par exemple, à de récents mauvais résultats,
  • un excès de confiance dans le groupe.

Outil pratique : Le baromètre de l'effet de groupe
Notez de 1 à 5 chacun de ces symptômes lors de vos réunions. Un score supérieur à 20 indique un risque élevé d'effet de groupe nécessitant une intervention immédiate.

Guide pratique : 3 stratégies pour neutraliser l'effet de groupe

La réflexion collective, lorsqu'adéquatement réfléchie, est un puissant levier de performance. Il est essentiel pour l'animateur / le manager de s'assurer que les échanges se font de manière fluide, sans censure, quelle qu'elle soit, que les décisions sont prises après avoir analysé les différents impacts, risques, etc.

Face aux risques identifiés, voici un plan d'action structuré en trois niveaux pour préserver l'individualité tout en capitalisant sur l'intelligence collective.

Niveau 1 : Prévention - Structurer les réunions différemment

La première ligne de défense contre l'effet de groupe en réunion consiste à repenser fondamentalement l'organisation de vos séances de travail. Quelques pistes peuvent être explorées afin de limiter l'effet de groupe, notamment dans le cadre de la prise de décision.

Checklist pré-réunion anti-effet de groupe :

  • ✓ Composer des groupes hétérogènes (âges, expertises, départements)
  • ✓ Limiter à 7 participants maximum pour les décisions critiques
  • ✓ Préparer 2-3 questions provocantes pour stimuler le débat
  • ✓ Définir un "champion de la contradiction" différent à chaque réunion
  • ✓ Envoyer l'ordre du jour 48h avant avec demande de réflexion individuelle

Approches à envisager :

  • Utiliser des méthodes de réflexion collective favorisant la créativité : brainstorming, 6 chapeaux de la réflexion, etc.
  • Réfléchir en sous-groupes si nécessaire (méthode Philips 6x6 par exemple),
  • Adopter une démarche similaire pour toutes les propositions : analyse objective et factuelle des risques, impacts, conséquences, points forts/faibles,

Niveau 2 : Intervention - Agir pendant la réunion

Si l'animateur remarque des signes d'influence du groupe pendant une séance de réflexion collective, il est important qu'il le souligne auprès des membres dudit groupe et entame un échange autour de ce sujet. Il peut, notamment, rappeler les risques et conséquences d'un tel phénomène, les objectifs de la réunion, etc.

Actions concrètes pour influencer positivement la dynamique :

  • Donner la parole aux introvertis et silencieux, veiller à faire respecter les temps et prises de parole,
  • Encourager les débats d'idées et avis non conformistes, explorer toutes les possibilités,
  • Gérer les éventuels dérapages dans les discussions,
  • Demander à tous les participants de noter les pour/points positifs et les contre/points négatifs de la décision en passe d'être retenue (si nécessaire, pour limiter encore davantage l'effet de groupe ou dans le cadre d'un participant hautement persuasif et charismatique, ceci peut être réalisé de manière anonyme),

Par ailleurs, s'il sent qu'un membre du groupe est raillé ou mis de côté, il doit agir adéquatement et ramener calme et sérénité autour de la table. Rappeler les règles de savoir-vivre, savoir-être, etc.

La technique de "l'avocat du diable" :
Institutionnalisez le rôle de contradicteur en le faisant tourner. Cette personne a pour mission officielle de challenger chaque proposition, permettant ainsi de réduire la dissonance cognitive collective. Rotation obligatoire : chacun devient critique à tour de rôle, normalisant ainsi la contradiction constructive.

Niveau 3 : Correction - Valider et ajuster les décisions

Dans le doute d'une décision prise sous l'effet de groupe, il peut être opportun de demander un avis ou une validation tierce.

Les conséquences de décisions prises sous influence du groupe sont de natures diverses et peuvent avoir de lourdes conséquences :

  • frustration des membres ayant adhéré à la décision sans le vouloir réellement,
  • mauvaises décisions,
  • tensions et conflits ultérieurs au sein du groupe,
  • démotivation,
  • explosion du groupe,
  • inefficacité de la réflexion collective,
  • etc.

Pour éviter ces écueils, implémentez ces mécanismes de validation :

  • Voter les décisions de manière anonyme.
  • Savoir admettre les erreurs et revenir en arrière si besoin,
  • Valoriser les différences, les différences de personnalités, mettre en avant l'intelligence collective et la coopération,

Le protocole "24h de réflexion" : Pour les décisions majeures, imposez systématiquement un délai de 24 heures entre la proposition finale et la validation. Ce temps permet aux perspectives individuelles de réémerger, loin de la pression du groupe social.

Matrice de décision anti-effet Janis :
Avant validation finale, remplissez cette grille :

  • Y a-t-il eu au moins 3 opinions divergentes exprimées ? (Oui/Non)
  • Tous les participants ont-ils pris la parole ? (Oui/Non)
  • La décision a-t-elle été challengée par au moins 2 personnes ? (Oui/Non)
  • Un temps de réflexion individuelle a-t-il été respecté ? (Oui/Non)

Si vous avez moins de 3 "Oui", le risque d'effet de groupe est élevé. Reportez la décision.

Ces stratégies, appliquées de manière systématique, permettent de transformer les petits groupes en véritables laboratoires d'innovation où l'interdépendance enrichit sans étouffer les contributions individuelles. L'objectif : maintenir cette tension créative entre cohésion et diversité qui caractérise les équipes performantes.

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Auteur - Laurent GRANGER

Fondateur de Manager-go.com, Laurent partage depuis 2008 des outils et méthodes concrètes pour aider les cadres à mieux piloter leur activité. Diplômé d'une école de commerce et titulaire d’un DESS en diagnostic d’entreprise (IAE Lyon 3), il met à profit plus de 30 ans d’expérience plurifonctionnelle en entreprise, du développement commercial et marketing au pilotage organisationnel.
Auteur de plus de 800 contenus pratiques, lus chaque année par des centaines de milliers de professionnels, il s’attache à transmettre des approches applicables, alliant expérience terrain, pédagogie et sens pratique.

Ce dossier est référencé dans : Animer une réunion de travail - Organiser et conduire efficacement une réunion -

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Commentaires

  • Gravatar for ETIENNE Magali

    ETIENNE Magali 10 sept. 2025, 16:43 (Il y a 9 jour)

    Très intéressant car ce sujet n'est pas souvent abordé dans les problématiques a gérer en tant que manager